• Compte à rebours

    Compte à rebours

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    Un, deux, trois...     Debout sur l'assemblage de bois, poli et abîmé par le temps, elle compte les minutes, les heures qui défilent et qui défileront encore après elle. Le rythme régulier de sa propre voix la calme, elle se sent un peu mieux. Mais peut-elle vraiment être mieux ? Enfermée entre quatre murs, ceux de son esprit et ceux, plus réels, sur lesquels elle s'écorche les articulations, elle, la pauvre folle, domine son petit monde de briques et de nuages. Elle voit passer ceux qui l'entourent et qui la comprennent, ceux dont personne ne veut croire l'existence. Ils lui parlent, lui chuchotent doucement à l'oreille comme par peur de l'éveiller. Ils sont les gardiens de sa folie dans le monde de brume et de blancheur où elle se trouve, mais ils sont aussi ceux de sa, trop évidente, normalité.

     

    Quinze, seize, dix-sept...     En équilibre sur le seul meuble qui soit à elle, la petite rêveuse tente de lutter contre les douces molécules qui prennent possessions de son corps, qui lui enlèvent comme par moments sa lucidité, trop dangereuse. Elle se sent faiblir et ne faire plus corps avec ce qu'elle appelle ''la maison de son esprit'' alors elle s'assoit, sans jamais poser pieds ou mains sur le sol glacial, par peur de se brûler. Ses amis sont repartis. Ils ne restent jamais très longtemps. Il y a toujours quelqu'un pour lui enlever sa bouffée d'oxygène, sa dernière parcelle de liberté. Et tout à coup elle se sent fourbue, les yeux mi-clos tentant de reprendre contrôle. Le sang lui manque dans ses jambes, pliée sur son île. Et l'air lui manque dans les poumons. Elle suffoque et pour ne pas étouffer se relève. Un moment de panique, rapidement contrôlé. Mais par qui ? Par quoi ?

     

    Trente, trente-et-un, trente-deux...     Plus un mouvement, plus un bruit ; dressée telle une statue de cire, elle semble attendre que l'on vienne la chercher. Ses cheveux, graciles, laissés au gré du vent terriblement absent lui tombent sur les épaules dont les os semblent poindre à travers les fins vêtements de coton blanc. Elle est un tout mais surtout un vide. On sent l'Absence, brûlante, au creux de ses bras ; la folie dans ses gestes désordonnés qui cherchent et palpent l'air à la rencontre de matière. Mais tout est blanc, elle est presque aveugle et l'idée de ne plus voir ses amis la fait pleurer. Alors les larmes se mêlent aux marques sur son candide visage tandis qu'elle se recroqueville, qu'elle redevient l'enfant, trop vite devenue grande. La petite fille ne voit pas qu'ils sont venus la réconforter pendant ce temps, elle ne voit pas qu'elle reprend conscience, par bribes. Qu'elle peut encore redevenir elle-même. Mais pour combien de temps ?


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